Jour 7

Parmi les protagonistes présents tout au long du festival, le violoncelle est aujourd’hui bien mis en valeur, d’abord tout au long du récital d’Aurélien Pascal, bien entendu, mais aussi dans deux grands opus beethovéniens: la Sonate en la majeur opus 69 et le Septuor pour cordes et vents opus 20, l’une des œuvres les plus ambitieuses (par sa distribution) du compositeur allemand dans le domaine de la musique de chambre.

La première de ces deux œuvres participe pleinement au fait que Beethoven est le premier Viennois à jouer un rôle important dans l’émancipation du violoncelle en tant qu’instrument soliste dialoguant d’égal à égal avec le piano. Ni Haydn, ni Mozart, en effet, n’ont écrit de telles pages, alors que l’instrument gagne ses galons de soliste sous l’impulsion de Bréval, des Duport ou encore de Boccherini. Beethoven, qui a déjà composé deux sonates dédiées au Roi de Prusse en 1796, remet l’ouvrage sur le métier en 1807-1808, alors qu’il vit une période très fructueuse sur le plan artistique (qui comprend notamment les 4ème, 5ème et 6ème symphonies). Par opposition aux deux premières sonates, qui adoptaient un ton relativement pathétique et héroïque, au service d’un instrument qui doit en quelque sorte conquérir sa place au soleil, cette troisième sonate évolue dans un climat plus apaisé, tendrement lyrique, assez proche finalement de l’univers sonore qui fait merveille dans la Symphonie pastorale. L’œuvre y gagne une personnalité unique et très attachante.

Le Septuor opus 20, écrit en 1800, témoigne de son côté de l’intérêt des compositeurs de l’époque à tester de multiples combinaisons et distributions qui mêlent cordes et vents, voire également le piano. Les exemples sont nombreux qui permettent de jouer en toute liberté à mélanger ou contraster les couleurs, les timbres et les textures. Les compositeurs y trouvent leur compte, et les amateurs également, car nombre de ces œuvres leur sont destinées, qui permettent au passage de permuter certains instruments par éventuel souci de commodité (ainsi, les trois instruments à vent, de l’avis même de Beethoven, peuvent être remplacés par un violon, un alto et un violoncelle supplémentaires). L’œuvre a rencontré d’emblée un gros succès, la critique de l’époque soulignant le goût et l’imagination dont Beethoven a fait preuve pour l’occasion. Le compositeur en sera rétrospectivement moins convaincu car cet opus ne se veut en rien novateur ou révolutionnaire. Il prolonge au contraire très agréablement le monde des sérénades et autres divertimentos de Haydn et de Mozart, sans ambition démesurée mais avec un métier déjà bien établi.

Le Quintette pour piano et vents opus 16 date de 1796, et fait donc partie lui aussi des œuvres qui offrent à Beethoven l’occasion d’affermir son style sans trop s’écarter des modèles classiques. Tant qu’à faire, il n’hésite pas à glisser un petit hommage à Mozart en utilisant dans le charmant Andante central un thème qui puise sa substance dans le délicieux « Batti, batti » de Zerlina dans Don Giovanni. L’Allegro initial adopte un ton majestueux et dynamique, tandis que le Rondo final joue la carte du jeu délié et de la vivacité, de sorte à laisser chaque instrument mettre en valeur son timbre et sa personnalité au sein d’un ensemble joyeux et cohérent. Il sera particulièrement intéressant de confronter cet opus de jeunesse avec l’œuvre nouvellement écrite par Philippe Hersant à partir de la même distribution instrumentale. S’est-il inspiré de l’exemple beethovénien? Mystère!

- Jean-Marie Marchal